Article co-rédigé par Claire Mathieu, avocate collaboratrice, et Matteo Polito, stagiaire auditeur de justice.
Proposition de loi visant à assouplir la gestion des compétences « eau » et « assainissement »
Le Sénat a définitivement adopté la proposition de loi visant à assouplir la gestion des compétences « eau » et « assainissement » ce 1er avril 2025.
L’historique du transfert des compétences « eau » et « assainissement »
La loi NOTRe du 7 août 2015, dans un élan de clarification des compétences dévolues à chaque niveau de collectivité territoriale et de renforcement de l’intercommunalité, avait prévu un transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » aux intercommunalités, et notamment aux communautés de communes et communautés d’agglomération au plus tard le 1er janvier 2020.
Jusqu’alors, les compétences « eau », c’est-à-dire la distribution de l’eau potable, et « assainissement des eaux usées » relevaient des communes.
Un report au 1er janvier 2026, sous conditions, avait été autorisé pour le transfert de ces compétences aux communautés de communes par la loi n°2018-702 du 3 août 2018.
Cependant, ce transfert obligatoire a fait l’objet de nombreuses contestations de la part des communes rurales et de montagne face au risque d’atteinte aux libertés communales et au pouvoir d’initiative des municipalités en la matière.
Fin 2021, très peu de communes avaient transféré aux communautés de communes lesdites compétences.
Un parcours législatif rapide
Dans ce cadre, une proposition de loi permettant aux communes membres d’une communauté de communes de conserver l’exercice de ces compétences a été déposée au Sénat le 29 avril 2024.
Le 1er avril 2025, en seconde lecture, le Sénat a adopté le texte qui lui était transmis par l’Assemblée nationale, sans modification.
Ainsi, la proposition de loi a été adoptée dans les mêmes termes par les deux assemblées, ce qui signe la fin de son parcours législatif.
Désormais, selon l’article 61 de la Constitution, le texte peut faire l’objet d’une saisine a priori du Conseil constitutionnel qui devrait alors se prononcer sur la constitutionnalité des dispositions législatives. Cette saisine n’est pas obligatoire.
Le Président de la République dispose de 15 jours, à compter de l’adoption définitive par les Assemblées, pour promulguer le texte. Ainsi, sauf si le Conseil constitutionnel est saisi, la promulgation du texte devrait intervenir très prochainement.
Les apports du texte adopté
Le texte prévoit de mettre un terme définitif à l’obligation de transfert des compétences « eau » et « assainissement » vers les communautés de communes pour les communes qui en ont conservé l’exercice à la date d’entrée en vigueur de la loi.
Il ne s’agit pas d’un retour en arrière dans la mesure où les transferts de compétences déjà effectués ne seront pas remis en cause.
De plus, cette possibilité ne concerne que les communes membres d’une communauté de commune (ensemble de moins de 50.000 habitants). Il s’agit donc majoritairement des communes rurales ou de montagne.
Par ailleurs, les communautés de communes qui exercent seulement une partie de la compétence « assainissement », c’est-à-dire soit l’assainissement collectif, soit l’assainissement non collectif, n’auront pas l’obligation d’exercer l’autre partie de la compétence.
Autrement dit, les communes qui ont transféré à la communauté de communes une partie seulement de la compétence « assainissement » demeurent libres de transférer ou non l’autre partie de cette compétence à compter de l’entrée en vigueur de la loi.
Le projet prévoit également une simplification de la création de syndicats de gestion de l’eau et de l’assainissement afin de mutualiser l’exercice de ces compétences.
Ainsi, les communes, qui décideront de ne pas transférer leur compétence à la communauté de communes, pourront plus facilement se regrouper au sein de ces syndicats, sans que cette création soit soumise à l’autorisation du représentant de l’Etat dans le département et sans avoir à être compatible avec le schéma départemental de coopération intercommunale (SDCI).
La proposition de loi prévoit par ailleurs l’instauration d’un dialogue sur l’organisation territoriale de l’exercice des compétences « eau » et « assainissement » qui se tiendrait dans le cadre de la commission départementale de la coopération intercommunale (CDCI).
Il est prévu une réunion de la CDCI tous les 6 ans dans les six mois suivant chaque renouvellement général des conseils municipaux, sur un ordre du jour consacré aux « enjeux liés à la qualité et la quantité de la ressource ainsi qu’à la performance des services et l’efficacité des interconnexions ».
Les conseils municipaux et organes délibérants des EPCI compétents devront se réunir, après chaque renouvellement général et une fois publié le compte-rendu de la réunion de la CDCI susmentionnée, pour évoquer les mêmes enjeux.
Enfin, la loi prévoit un mécanisme de solidarité entre communes voisines en cas de pénurie d’eau potable.
Concrètement, il s’agit, pour une commune en pénurie d’eau pour la première fois depuis au moins cinq ans de pouvoir demander à une commune voisine la mise à disposition à titre gratuit de l’eau potable. Dans ce cas, la commune bénéficiaire devra financer l’acheminement de l’eau.
Ce dispositif permettra également à la commune donatrice de ne pas prendre en compte, pour le calcul des redevances liées à l’eau potable, les volumes d’eau mis à disposition et donc faciliter, in fine, la solidarité entre les communes voisines.
En conclusion, ce texte court et équilibré, fruit d’un compromis entre les deux assemblées, redonne une certaine liberté aux communes qui n’ont pas encore transféré ces compétences.