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Un accord ambitieux entre Parlement européen et Conseil de l’Union sur la directive « surveillance des sols »

Article co-rédigé par Hugues Rollin, avocat associé, et Matteo Polito, stagiaire auditeur de justice.


Le 10 avril 2025, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont trouvé un accord à propos de la très attendue « directive sur la surveillance des sols ».

L’adoption de cette directive doterait l’Union européenne pour la première fois d’un cadre harmonisé en la matière.

Le constat alarmant de l’état des sols européens et l’impulsion de la Commission européenne

En novembre 2021, la Commission européenne, dans son rôle d’impulsion des politiques publiques au niveau européen, produisait une communication sur la stratégie de l’UE pour la protection des sols à l’horizon 2030. La Commission montrait les importants bienfaits des sols pour la santé humaine, l’alimentation ou le climat puisque les sols abritent plus de 25% de la biodiversité de la planète et participent à la régulation du cycle de l’eau et du carbone.

Enfin, la Commission mettait en lumière la diversité des sols sur le territoire européen (24 types de sols parmi les 32 principaux recensés dans le monde) mais aussi les souffrances de ceux-ci en raison de multiples dégradations : érosion ; tassement ; pollution ; salinisation ; imperméabilisation… Selon la Commission, plus de 60% des sols de l’Union sont en mauvaise santé.

C’est dans ce contexte que le projet de directive sur la surveillance des sols était présenté par la Commission le 5 juillet 2023. Celui-ci devait concilier des intérêts divers tout en maintenant le cap vers l’objectif « zéro pollution » en 2050 prévu par le Pacte Vert pour l’Europe adopté en 2020.

Une prise en compte des enjeux dans la phase législative

Le 10 avril 2024, le Parlement européen adoptait le projet de directive amendé. Ce texte prévoit, notamment :

  • la création d’un registre public recensant les sols contaminés ou qui pourraient l’être dans tous les pays de l’UE
  • un principe de pollueur-payeur pour le nettoyage des sites contaminés.

Le 17 juin 2024, le Conseil de l’Union insistait, quant à lui, sur la nécessité d’une méthodologie commune de l’UE en matière de surveillance et une atténuation nécessaire de l’artificialisation des terres, dans la logique de l’objectif (non-contraignant) du « zéro artificialisation nette des sols » prévu l’horizon 2050 au niveau européen. Le Conseil de l’Union restait ainsi opposé à des mesures contraignantes sur le sujet de l’artificialisation des sols.

Un accord ambitieux trouvé entre Parlement européen et Conseil de l’Union

Dans le cadre d’un « accord en deuxième lecture anticipée », c’est-à-dire une phase de négociation entre la 1ère et la 2e lecture, les co-législateurs européens se sont accordés sur un texte commun le 10 avril 2025.

Cet accord prévoit :

  • une évaluation de l’état et une surveillance adaptée de tous les sols sur le territoire de l’UE par les Etats membres sur des critères communs appelés « descripteurs du sol » (paramètres physiques, chimiques et biologiques).
  • une méthodologie commune avec des valeurs cibles et des valeurs de déclenchement opérationnelles pour rétablir la santé des sols.
  • la fixation de principes d’atténuation de l’artificialisation des terres en mettant l’accent sur l’imperméabilisation des sols et leur enlèvement mais tout en laissant aux Etats membres la liberté d’approuver des projets en matière d’aménagement du territoire.
  • un soutien de la Commission européenne.

Il convient de noter que l’accord ne prévoit pas de nouvelle obligation pour les propriétaires et gestionnaires de terres contaminées.

Dix-huit mois après l’entrée en vigueur de la directive, une liste indicative de substances émergentes susceptibles de présenter un risque important pour les sols, la santé humaine ou l’environnement devra être établie dans l’objectif de récolter des données. Cette liste inclura les PFAS et les pesticides. 

Par ailleurs, dans un délai de dix ans après son entrée en vigueur, les Etats membres devront dresser une liste publique des sites potentiellement contaminés et remédier à tout risque inacceptable pour la santé humaine et l’environnement

L’adoption de la Directive suppose désormais une approbation par le Conseil et le Parlement, dans les mêmes termes. Les Etats membres disposeront alors d’un délai de trois ans pour conformer leur droit national aux dispositions de la directive.

Ce qu’il faut retenir

A ce stade et dans le contexte actuel, le projet apparait comme une première étape importante, qui devra être transposée, adaptée et complétée par les Etats membres.

En particulier, l’absence de valeur contraignante de l’objectif de « zéro artificialisation nette » d’ici 2050 ou des valeurs cibles pour la santé des sols, tout autant que le rôle de monitoring de la Commission européenne, semble témoigner d’un souhait de laisser les Etats définir ceux-ci, dans une logique de subsidiarité et d’adaptabilité aux diversités locales.

L’adoption de la directive pourrait ainsi impliquer une évolution du droit français en matière de sols. Il conviendra notamment de s’assurer, lorsque le texte définitif sera connu, des conséquences éventuelles de cette directive sur le régime national existant de surveillance des sols dégradés, par exemple, via les secteurs d’information sur les sols (SIS).

Les conséquences éventuelles sur le zéro artificialisation nette (ZAN), actuellement en débat au Parlement dans le prolongement de l’adoption par le Sénat de la proposition de loi « TRACE », seront également à surveiller.

Un accord ambitieux entre Parlement européen et Conseil de l’Union sur la directive « surveillance des sols »
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